Rêve d'Enfer
- Es-tu heureuse ? lui demanda-t-il.
- Heureuse ? Oh, non !
- Que te faut-il ?
- Je ne sais, mais je n'aime rien, rien ne me plaît, surtout aujourd'hui, je suis bien triste, et ce soir encore... votre air méchant... Oh ! j'en deviendrai folle !
- N'est-ce pas, Julietta, que tu voudrais être reine ?
- Non !
- N'est-ce pas, Julietta, que tu aimes l'église et son encens, sa haute nef, ses murailles noircies et ses chants mystiques ?
- Non.
- Tu aimes la mer, les coquilles au rivage, la lune au ciel et des rêves dans tes nuits ?
- Oh ! oui ! j'aime tout cela.
- Et qu'y rêves-tu dans tes nuits, Julietta ?
- Que sais-je ?
Et elle devint toute pensive.
- N'est-ce pas que tu souhaites une autre vie, des voyages lointains ? n'est-ce pas que tu voudrais être la feuille de rose pour rouler dans l'air, être l'oiseau qui vole, le chant qui se perd, le cri qui s'élance ?
(Gustave Flaubert, Rêve d'Enfer)